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par Leana Quilici et Renzo Ragghianti

Lettres curieuses sur la Renaissance Orientale des frères Humboldt, d'August Schlegel et d'autres...

Franz Bopp

Note editoriali

Index | Avertissement | Bopp | Burnouf | Friedrich Creuzer | A. von Humboldt | W. von Humboldt
Mohl | Pauthier | Rosen | de Sacy | Schlegel | Windischmann | Appendice

1

Monsieur,

J'ai bien des excuses à vous demander de ne pas vous avoir répondu plutôt à la lettre dont vous m'avez honoré et que j'ai trouvé en venant de retour d'un voyage que j'ai fait pendant les dernières vacances. La foule d'occupations pressées qui m'attendoient après mon retour a été la cause de ce retard. Je suis bien sensible à l'honneur que la Société Asiatique m'accorde en me choisissant pour être un de ses membres associés étrangers, et je vous prie Monsieur, de vouloir bien être auprès d'elle l'organe de ma reconnoissance la plus profonde. Je me sentirai heureux quand une occasion se me [sic] présentera à contribuer, autant qu'il sera dans mon pouvoir, au but important que la Société Asiatique, par ses membres illustres, a déjà commencé à mettre en exécution par des recherches ingénieuses. Pour ce moment je suis trop occupé par des ouvrages isolés, comme je mettrai sous peu sous la presse une grammaire Sanscrite, dont la première livraison paroitra cet hiver(1). Actuellement j'ai sous les yeux les épreuves d'un petit recueil de fragments du Mahabharata(2). Je ne manquerai pas, Monsieur, à vous faire hommage de ces deux ouvrages aussitôt qu'ils seront achevés, ainsi qu'à la Société Asiatique par la bonté de votre intervention. Si Mr. Chézy(3) n'étoit pas trop avancé à faire graver des textes Sanscrits j'oserois à lui conseiller à faire imprimer ici ce qu'il destine à la publication. Cela iroit bien plus facilement, car nous avons un excellent compositeur pour le Sanscrit, et je pourrois recommander à M. Chézy un de mes élèves pour correcteur; moi-même, je me chargerois avec beaucoup de plaisir de la dernière correcture.

Je vous prie, Monsieur, de vouloir bien agréer l'assurance de la haute estime et de la considération distinguée avec laquelle je l'honneur d'être

Monsieur

Votre très humble et très obéissant serviteur
F. Bopp

Berlin le 8 Novembre 1823

 

2

Berlin le 5 Août 1824

Monsieur

J'ai l'honneur de vous recommander Mr. Ritter, professeur à l'université de Berlin et membre de l'académie royale de Prusse, que vous connoissez probablement par son excellente géographie, qui jouit, comme elle le mérite bien, d'une très grande réputation en Allemagne(4). Mr. Ritter est comme moi pénétré d'estime pour vos importans travaux littéraires, qu'il a souvent occasion de consulter, par rapport à ses propres recherches sur l'Asie. Il a donc naturellement un grand désir à connaître personnellement le célèbre auteur d'ouvrages remplis d'une si rare érudition. - Vous recevrez par Mr. Ritter 2 exemplaires d'un mémoire, que j'ai lu à l'académie. Je vous prie de les accepter avec bienveillance et de vouloir en présenter un à la Société Asiatique. Je me suis pris aussi la liberté à vous envoyer pour la même destination, sous l'adresse de Mrs. Dondey-Dupré, deux exemplaires des épisodes du Maha Bhavata, que j'ai publiés dernièrement. Je me sentirai bien honoré si vous ne trouvez pas ces petits ouvrages tout à fait indigne de votre attention.

J'ai reçu dans son temps la lettre dont vous m'avez honoré, mais la fonte des caractères Sanscrits n'a pas, par différentes raisons, pu être commencée si tôt que je l'aurais désiré. Il fallait du temps pour faire de nouveaux instruments et attendre avant tout les types de l'imprimerie de Dondey-D. qui devoient servir de modèle. A présent tout est en bon train, et l'on me promet que la fonte sera finie dans le mois de Janvier. Je ne manque pas à presser l'affaire autant que possible, et j'ai soin que tout soit fait avec la plus grande exactitude.

Un caractère Dévanagari plus petit est un besoin très urgent pour moi. En n'employant qu'un petit nombre de lettres composées on peut, selon mon calcul, réduire le nombre de poinçons nécessaires à 130 en tout. L'académie occupe depuis quelque temps un graveur fort habile et actif pour son imprimerie, et je ne doute pas qu'elle le chargera bientôt de l'exécution d'un nouveau caractère Sanscrit plus petit, dont on vous cédera avec le plus grand plaisir des matrices, en cas que vous le désirez. Car le graveur, étant sur le lieu, pourra bientôt faire de nouveau les poinçons, qui se cassent dans cette opération.

L'impression de ma grammaire Sanscrite se continue maintenant, après avoir été suspendue pour quelque temps; la Ire livraison, qui contiendra 18 à 20 feuilles, pourra paroitre au commencement de l'hiver. Cette grammaire sera très étendue et en Allemand, mais je me propose d'en publier par la suite un abrégé en Latin, qui contiendra seulement l'essentiel et ne formera qu'un petit volume en 8ve(5).

Veuillez agréer l'expression des sentiments de haute estime et de parfaite considération avec lesquels je suis

Monsieur

Votre très humble et très obéissant serviteur
F. Bopp

 

3

Berlin le 14 Février 1825

Monsieur,

J'ai reçu les lettres du 8 Octobre et du 25 Janvier dont Vous m'avez honoré, ainsi que les ouvrages précieux, que je suis fier de posséder par la bienveillance de leur savant auteur. Agréez, je vous prie, mes remerciements les plus sincères. Je lis avec un vif plaisir tout ce qui sort de votre plume féconde, comme tout porte l'empreint de la plus saine critique et d'une rare profondeur et justesse de pensée. Vous avez su donner à la langue et à la littérature chinoise un éclat qui ne s'effacera jamais, et Vous portez à cette étude, qui Vous doit entièrement sa réforme, de nouveaux titres d'intérêt, de jour en jour. Votre excellent mémoire sur Lao-Tseu me paroit de la plus haute importance(6). Entre autres remarques ingénieuses, dont ce mémoire est remplie, j'ai été particulièrement frappé par l'heureuse découverte du mot de se trouvant en chinois, et par l'explication fort judicieuse et satisfaisante que Vous donnez du mot trigrammatique de i-hi-wei.

Si vous avez comme je l'espère, déjà reçu une lettre de Mr. Schulze(7), conseiller intime dans le ministère de l'instruction publique, vous ne devez pas être étonnés de mon long retard à Vous écrire par rapport à la fonte du caractère sanscrit, destinée pour la Société Asiatique. Cette fonte est achevée, et, comme je me flatte, en toute perfection, depuis six semaines. Je ne Vous en faisois pas l'annonce, parce que je savois que Mr. le ministre d'Altenstein(8) avoit proposé au roi à faire présent à la Société Asiatique, de la fonte mentionnée. Maintenant je viens d'apprendre que cette proposition a trouvé, comme on pouvoit bien attendre, un bon accueil auprès de sa Majesté, qui désire par cela témoigner l'intérêt qu'elle prendra à la Société Asiatique, par rapport aux services éclatants qu'elle rend à l'histoire et à la littérature Orientale. C'est avec un vif plaisir que je vois combien notre roi et son ministère partagent l'estime, généralement sentie ici, pour le noble but que la Société Asiatique poursuit sans relâche, et avec le meilleur succès. Elle en est bien redevable à l'ardeur infatigable de son savant Secrétaire, dont le nom jouit en Allemagne d'une célébrité aussi juste que générale.

Aussitôt que l'ordre officiel du ministère me sera parvenu, j'aurai soin que la fonte vous soit envoyée aussitôt, et je ne doute pas, que dans le mois d'Avril Vous pourrez la recevoir. Mr. Ritter est extrêmement satisfait de son séjour à Paris, et tout particulièrement des conversations instructives qu'il a eus avec Vous.

Veuillez agréer l'expression des sentiments de haute estime, de dévouement et de considération très distinguée avec lesquels je suis

Monsieur

Votre très humble et très obéissant serviteur
Bopp

(1) Cf. à ce propos la page de Schlegel: «Les grammaires de MM. Colebrooke et Forster sont restées incomplètes. [...] M. Bopp s'est occupé avec prédilection de l'analyse comparative des langues: il a donné sur ce sujet plusieurs traités, dont l'un écrit en anglais, remplis d'aperçus fins et ingénieux. Sa grammaire est exacte et méthodique; on ne saurait le blâmer d'avoir essayé de montrer comment les formes variées du sanscrit découlent de certains principes fondamentaux. Mais dans les recherches sur l'unité primitive des langues d'une même famille, lorsque nous essayons de nous faire une idée de leur formation graduelle, et de remonter à une époque de l'antiquité dont il n'existe point de monumens écrits, nous sommes sur un autre terrain que quand il s'agit de règles positives d'une langue fixée par l'usage depuis un temps immémorial. A mon avis, M. Bopp a un peu trop confondu les deux genres: il accorde trop de place à ses idées favorites et même à ses hypothèses» (in Réflexion sur l'étude des langues asiatiques adressées à Sir James Mackintosh suivies d'une lettre à M. Horace Hayman Wilson, 1832, pp. 31-32).

(2) Il est fait référence à l'édition du Mahâbhârata, Berlin 1824.

(3) Antoine Léonard de Chézy, orientaliste français (1773-1832), occupe au Collège de France la première chaire de sanskrit d'Europe.

(4) Karl Ritter (1779-1859), géographe allemand, opposa à la 'géognosie' de A. von Humboldt sa géographie humaine. Son ouvrage principal, Die Erdkunde im Verhältnis zur Natur und Geschichte des Menschen (1817-1859), est resté inachevé.

(5) Grammatica critica linguae sanscritae, auctore Francisco Bopp, Berolini, ex officina Academica, apud Ferdinandum Dümmler, 1829. Cf. à ce sujet le compte rendu de Burnouf au premier cahier de la Grammaire développée de la langue sanskrite:«M. Bopp vient enfin, et, dès l'abord, la tendance de son livre est facile à saisir. Ce n'est ni le système, ni la méthode des Indiens qu'il veut nous donner. C'est en Européen qu'il considère leur langue avec un esprit riche de la connaissance d'un grand nombre d'idiomes, et exercé à ce travail ingénieux de la comparaison des langues, préparation nécessaire à toute étude approfondie quelconque. [...] En un mot, M. Bopp a voulu faire un ouvrage neuf, et dans ce dessein, il s'est débarrassé des entraves qui souvent encore arrêtent la marche de Wilkins» («Journal Asiatique», mai 1825, p. 313).

(6) ABEL-REMUSAT, Mémoire sur la vie et les opinions de Lao-Tseu, philosophe chinois du VIe siècle avant notre ère, Paris 1823.

(7) F. Schulze (1786-1869) occupait en Prusse de très hautes fonctions au ministère de l'Instruction publique.

(8) Karl Altenstein, baron von Steinzum (1777-1840).