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Salvatore Rotta

L'Homère de Montesquieu [*]

S. Rotta, "L'Homère de Montesquieu", in Scritti scelti di Salvatore Rotta,
<testi/900/rotta/rotta_omero.html>

Le jeune Montesquieu avait probablement reçu, dans la dernière année de son séjour au collège de Juilly (1700-1705), quelques rudiments de grec.[1] Il en traçait avec élégance les caractères.[2] Mais, découragé, il en avait abandonné l'étude: "c'est la langue du monde la plus difficile".[3]
Il avait lu les historiens de Byzance, soit dans les excellentes versions latines procurées par l'admirable pléiade des hellénistes du XVIe et XVIIe siècle soit dans les versions françaises, "moins infidèles peut-être qu'on le dit", du président Cousin.[4] Il ne réussit donc pas à prendre connaissance des poèmes d'Homère dans leur langue. Mais il lisait, sans difficulté, le latin. Dans la riche bibliothèque de famille il y avait deux excellentes éditions du XVIe siècle, avec la version littérale latine: celle de l'Iliade procurée par le savant helléniste François Portus;[5] celle, très savamment commentée, de tout Homère par Jean de Sponde.[6] Chose [142] remarquable: il continua à se renseigner sur les nouvelles éditions du texte grec avec traduction latine. Il prit note de celle qui, pour la première fois, tirait profit de l'observation métrique, publiée à Cambridge par Joshua Barnes en 1711[7]; et probablement de celle qui fut publiée à Amsterdam chez Wetstein par J.H. Lederlin et Etienne Bergler en 1707.[8] En tout cas, c'est cette dernière, louée par Jean Le Clerc, qu'il acheta[9]: "c'est la meilleure traduction qui ait été faite".[10] Avait-il l'intention de s'en servir? Il est légitime de le supposer. Ce projet resta, cependant, parmi les bonnes intentions. Nous n'avons aucune preuve qu'il ait fait quelque étude des versions latines d'Homère. En latin il a feuilleté, en réalité, les Posthomériques (l'histoire de Penthesilée) de Quintus de Smyrne, dans la version de Laurent Rhodomann (1604). Mais il s'est arrêté au premier livre et il y a trouvé une image qui n'y est pas.[11]
Il faut se rendre à l'évidence: Montesquieu connaît Homère à travers les traductions françaises: en prose (Madame Dacier, Monsieur de La Valterie) ou en vers (Houdart de la Motte). Il avait dans sa bibliothèque la version en prose de l'Iliade par François Du Souhait: il ne l'honora pas seulement d'un regard.[12] Il jugea "belle" la traduction de l'Iliade que Madame Dacier venait de publier avec tant d'éclat en 1711: "Tout le monde a senti le tour et même le feu de ses traductions".[13] Mais son admiration indiscrète d'Homère poussée jusqu'au menus détails ("elle les trouvait tous dans Homère tout divins") dans les ouvrages qu'elle avait composés pour la défense du poète lui arrache des mots féroces à l'adresse de la savante helléniste, cette "prêtresse superstitieuse": "Madame Dacier ne sçavoit ce qu'elle admiroit. Elle admiroit Homère parce qu'il avoit écrit en grec".[14] Dans la dispute avec Pope, c'est au poète anglais que Montesquieu [143] accorde la victoire.[15] C'était lui qui avait "frappé au but": lui seul, parmi tous les personnages entrés dans la querelle, avait "senti la grandeur d'Homère".[16] Montesquieu mania toutefois sa somptueuse traduction des deux poèmes[17] très tard, trop tard pour en profiter: en 1753, lorsq'il reçoit en hommage par Warburton son édition en neuf volumes des ouvrages du poète.[18]
L'Iliade mise en vers français en douze chants par A. Houdart de La Motte lui parut d'abord "charmante".[19] Il l'avait lue "avec plaisir".[20] Quarante ans après, il la jugera "aride" et infidèle dans la peinture des caractères.[21] Mais il continuera quand même à s'y référer. A propos de son Discours sur Homère, que Houdart avait mis à la fin de son ouvrage, Montesquieu passera de l'admiration au réfus total.[22]
Quelques temps après avoir lu la version de l'Odyssée de Madame Dacier (1716), Montesquieu tomba sur la version que Monsieur de La Valterie avait fait de ce poème en 1681 et qu'on venait de republier, avec celle de l'Iliade, en 1709[23]: la plus arbitraire des deux. Montesquieu en fut charmé: "je ne l'ai point comparée à celle de Madame Dacier: il me semble que cette traduction est faite et avec plus de feu, et j'avoue qu'en la [144] lisant j'ai senti un charme infini, et tel que je ne me souviens pas que la traduction de Madame Dacier m'ait fait sentir le même".[24] Monsieur de La Valterie avait été, peut-être, un traducteur infidèle: "on m'a dit que la traduction de Monsieur de La Valterie n'étoit pas exacte"; tant mieux: "en donnant à Homère du génie et de l'expression française, on l'a rendu plus semblable à lui-même"; nouvelle preuve de la solidité de l'architecture du poème: "le fond du poème est admirable". Madame Hepp concluait son admirable analyse de La Valterie traducteur avec le constat que sa version "ne fit jamais l'objet d'aucune critique élogieuse et semble avoir été ignorée de tous les esprits cultivés de son temps". Et avec une expression drastique: "il n'apparaît pas qu'aucun homme sérieux se soit intéressé à cette traduction".[25]
Montesquieu garda sa bonne opinion sur la version de La Valterie jusqu'à la fin de sa vie. Après 1751, il se remit à lire et à en faire des extraits des poèmes d'Homère.[26] A ces extraits il a ajouté des remarques de son cru. Les remarques ont été publiées, non sans imperfections, dans l'édition Masson.[27] Personne ne s'est préoccupé d'identifier le texte homérique que Montesquieu avait sous les yeux.[28] L'examen du manuscrit de La Brède montre, sans ombre de doute, que le vieux Président [145] tenait entre ses mains la version de La Valterie.[29] Cette nouvelle lecture d'Homère lui donna quelques idées pour son livre XXIe de L'esprit des lois. Le chapitre VII de l'édition de 1748, enrichi de nouvelles citations d'Homère, se dédoublera dans l'édition posthume de 1757.[30]
On peut ironiser, bien sûr, sur une "grandeur" entrevue à travers une traduction qui adoucissait par système les "fureurs homériques" et soumettait les sentiments des héros aux règles de l'honnêté.[31] Il faut, plutôt, admirer la capacité montrée par Montesquieu de prendre contact avec l'authentique monde héroîque, malgré les pruderies du traducteur. Pour prévenir le "dégoût" des lecteurs, La Valterie, en hommage à la "délicatesse" du siècle, n'avait pas "osé faire paraître Achille, Patrocle, Ulysse et Ajax dans la cuisine" et s'était servi de "termes généraux". Montesquieu remarque justement la nature sacrificielle de ces banquets: "L'idée de la cuisine, dans les temps héroîques, est liée avec les idées les plus nobles des autres temps [...], celles de sacrifice". Il est tout à fait normal que "les chefs de famille fassent eux mêmes les sacrifices".[32] Gian Battista Vico avait fait la même observation: "Gli eroi non celebravano banchetti che non fussero sagrifizi, dov'essi dovevano esser i sacerdoti [...]. Perciò Agamennone esso uccide i due agnelli, col qual sagrifizio consagra i patti della guerra con Priamo. Tanto allora era magnifica cotal idea, ch'ora ci sembra essere di beccaio!".[33] A propos du rôle essentiel joué dans les rapports entre les héros par l'hospitalité (autre observation subtile), Montesquieu note que les Grecs, hommes qui avaient "d'autres moeurs et d'autre droit des gens que nous" et "une autre religion", "n'avaient pas la même idée de générosité que nous".[34] [146] Cette fois il était, sans contestation, le premier à caractériser l'âge héroîque comme "tems de l'hospitalité".
Quelquefois – il faut bien le dire – en parlant d'Homère, Montesquieu nous déconcerte. Dans quelques remarques sur Virgile, il confesse que les six dernières livres de l'Enéide lui faisaient moins de plaisir: "c'est trop que six livres; il falloit expédier cela dans un; car il lui semble que dès qu'Enée est arrivé, tout est fini". Homère, lui, n'avait pas fait cette faute: "Ulysse arrivé à Ithaque, le poème finit presque d'abord, quoique le lecteur brûle d'apprendre comment il sera reçu".[35] On se demande si l'auteur de ces lignes avait lu toute l'Odyssée.
Montesquieu aimait dans Homère les récits "rapides" des combats: "il ne s'arrête jamais, et il court d'évènemens en évènemens". Le terme inattendu de comparaison est le plus célèbre des romans chevaleresques en prose castillane, Amadis de Gaule: "Les Amadis[36] décrivent avec une uniformité qui fait de la peine et donne du dégoût". La vertu majeure d'Homère est la variété: "Homère est si varié que rien ne se ressemble". L'incongruité de ce rapprochement est racheté par l'acuité de l'observation conclusive: "dans Homère le merveilleux est dans le tout ensemble; dans les Amadis il n'est que dans le détail".[37]
Homère était-il vraiement l'inventeur du poème épique, comme soutenait son docte ami Jean-Jacques Bel vers 1730?[38] La conception que Montesquieu se faisait de la naissance des arts s'adaptait à merveille à cette idée: "Ce n'est pas la longueur des temps qui prépare les arts: ils naissent tout à coup d'une certaine circonstance.[39] Et surtout elle s'adaptait à merveille à sa vision du miracle grec: "on peut considérer avec quelle rapidité les Grecs allèrent à l'art et à la perfection de l'art".[40] Mais, réflexion faite, il prit en considération l'hypothèse toute neuve de l'abbé d'Aubignac,[41] que les deux poèmes n'étaient qu'une [147] compilation de petits poèmes, tous excellents, mise ensemble surtout par ordre de Pisistrate et de son fils Hipparque: "comme le Tasse a imité Virgile, Virgile Homère, Homère a pu avoir imité quelque autre. Il est vrai que l'antiquité se tait à cet égard. Quelques-uns pourtant dit qu'il n'avoit fait que ramasser les fables de son temps". En tout cas, il souligne, à la suite de Cicéron, le rôle essentiel de Pisistrate: "Après Homère, les Grecs tombèrent pendant quelques siècles dans la barbarie. Pisistrate vint, et ramassa tous les ouvrages épars de ce poète".[42] S'il pouvait céder sur la question des sources, Montesquieu se révolte contre une théorie qui mettait en pièces la personnalité historique d'Homère.
Homère était-il théologien? Hésiode l'avait été, lui qui, dans sa Théogonie, avait mis en système les fables antiques.[43] Homère l'avait été "uniquement pour être poète". Il avait ajusté ses dieux à la poésie: "c'étoit un grand génie puisqu'il a trouvé la seule religion qui pût se marier avec elle et lui prêter de nouveaux charmes". La réussite d'Homère nous oblige à conclure que "nos moeurs et notre religion manquent à l'esprit poétique". En effet, "comment frapper par le merveilleux des gens remplis de l'idée de ces êtres incorporels qui gouvernent l'univers, qui ne laissent aucune prise à l'imagination ou de celle d'un être unique qui lui laisse un vide étonnant?".[44] Au contraire, les dieux d'Homère, sujets aux mêmes passions que les hommes et seulement distingués des mortels par leur puissance, étaient capables de frapper fortement l'imagination. D'où la conclusion: "on ne fera jamais un ouvrage de poésie passable que sur les idées d'Homère".[45] L'exemple de Milton venait à propos: son Paradise Lost "n'a réussi que par les endroits où il a imité Homère, c'est-à-dire par les passions qu'il donne à ses démons. Mais combien est-il par là même inférieur à Homère".[46] Excellente démonstration de l'assertion majeure: "la bonne poésie a été éteinte avec le paganisme". Le dogme de l'incorporable beauté d'Homère se double d'une théorie de la décadence moderne de la poésie: "je suis persuadé que la bonne poésie à été éteinte avec le paganisme. Elle étoit née avec lui, elles étoient faites l'une pour l'autre".[47]
Tout dans le monde d'Homère était "riant", même la mort: "les peintures riantes – écrit-il à la duchesse d'Aiguillon, le 3 décembre 1753 – [148] qu'Homère fait de ceux qui meurent, de cette fleur qui tombe sous la faux du moissonneur ou qui est cueillie par le doigt d'une bergière, ne peuvent pas s'appliquer à cette mort-là [par la petite vérole]".[48] Cette image gracieuse et nostalgique de l'âge d'Homère avait été détruite, heureusement, par Vico. Homère assumait, dans les pages de la Scienza nuova seconda (1744), une grandeur nouvelle comme poète d'un âge "barbare": "da un animo da alcuna filosofia umanato ed impietosito potrebbe nascere quelle truculenza e fierezza di stile, con cui descrive tante, sì varie e sanguinose battaglie, tante diverse e tutte in istravaganti guise crudelissime spezie di ammazzamenti, che particolarmente fanno tutta la sublimità dell'Iliade".[49] Tout ce côté – "i costumi immanissimi", l'énormité, la ferocité des moeurs des héros homériques – resta fermé au modéré Montesquieu, fourvoyé aussi par les douceurs du traducteur auquel il se fiait.

[*] Articolo pubblicato originariamente nel volume collettivo Homère en France après la Querelle (1715-1900), Actes du colloque de Grenoble (23-25 octobre 1995), Université Stendhal – Grenoble 3, édités par F. Létoublon, C. Volpihac-Auger avec la collaboration de D. Sangsue, Paris, Champion, 1999, pp. 141-148. Rispetto alla versione originale, sono state qui sciolte le abbreviazioni e sfrondate le maiuscole nelle fonti citate. Inoltre, ogni ulteriore intervento editoriale è stato segnalato dal curatore mediante l'uso di parentesi quadre, entro le quali viene riportata – in grassetto – anche la paginazione originale del testo [Davide Arecco].

[1] Montesquieu avait fréquenté le collège des Oratoriens de Juilly du 11 août 1700 au 11 août 1705 (R. SHACKLETON, Montesquieu. A Critical Biography, Oxford, Oxford University Press, 1961, p. 6). Dand le collège de l'Oratoire "l'on ne commençait l'étude de cette langue [le grec] qu'on Ve [...] et l'on ne pratiquait pas le thème" (N. HEPP, Homère en France, p. 16).

[2] Bibliothèque Municipale de Bordeaux, Ms. 1867, f. 320 (Oeuvres complètes de Montesquieu, XIII, Spicilège, edité par R. MINUTI et annoté par S. ROTTA, Oxford – Napoli, Voltaire Foundation – Istituto Italiano per gli Studi Filosofici, 2002, n. 354).

[3] MONTESQUIEU, Spicilège, 568.

[4] Histoire de Constantinople depuis le règne de l'ancient Justin jusqu'à la fin de l'Empire traduite sur les originaux grecs par L. COUSIN, Paris, 1672, 8 vols, voir Considérations sur les [...] Romains, chapitre XXII (Pachymère); P. LEMERLE, "Montesquieu et Bysance", Le Flambeau, XXXI, 4, 1948, p. 4 de l'extrait.

[5] Heroica Homeri Ilias postrema editio Latine omnia ad verbum exposita et a F. PORTO CRETENSI innumeris in locis emendata, [s.l.], [s.d.]. Dans le Catalogue de la Bibliothèque de Montesquieu, edité par L. DESGRAVES et C. VOLPIHAC-AUGER avec la collaboration de F. WEIL, Cahiers Montesquieu, 1997 (ci-après Catalogue), porte le numéro 2057. François Portus (1511-1581) avait été professeur de grec à Genève, ou il avait trouvé refuge à cause de ses idées religieuses. La première édition avait été publiée en 1580 (HEPP, Homère en France, p. 789, n° 48). Deux nouvelles éditions, procurées par son fils Emile (1550-1612), lui aussi helléniste, [ont été publiées] en 1609 et 1621.

[6] Homeri quae extant omnia Ilias Odyssea Batrachomyomachia Hymni poemata aliquot cum latina versione [...] perpetuis item justisque in Iliada simul et Odysseam IO. SPONDANI commentariis, Basileae, E. Episcopi opera, 1583 (Catalogue, 2056).

[7] Homeri Ilias et Odyssea et in easdem scholia sive interpretatio veterum [...] cum versione latina emendatissima opera studio et impensis Josuae Barnes, Cantabrigiae, apud C. Crownfield, 1711 (MONTESQUIEU, Spicilège, 705).

[8] Spicilège, 705: "l'Homère commun qu'on a pour Westminster". C'est moi qui propose de lire Wetstein au lieu de Westminster. Il s'agit, donc, de Homeri Opera quae extant omnia graece et latine [...] curante IO. HENRICUS LEDERLINO et post eum STEPHANUS BERGLERO, Amstelaedami, ex officina Wetsteiniana, 1707.

[9] Catalogue, 2062; J. LE CLERC, Bibliothèque choisie, XI.

[10] MONTESQUIEU, Spicilége, 705.

[11] MONTESQUIEU, Spicilège, 279.

[12] L'Iliade traduite par le SIEUR DU SOUHAIT, Paris, Gasse, 1627 (Catalogue, 2061). La première édition est de 1614.

[13] MONTESQUIEU, Pensées, 116.

[14] MONTESQUIEU, Pensées, 894.

[15] L'Iliade d'Homère [...] traduite en français [...] par MADAME DACIER, [...] avec quelques réflexions sur la préface anglaise de Monsier Pope, 1719.

[16] MONTESQUIEU, Pensées, 894-895: "Monsier de La Motte manquoit de sentiment, et son esprit s'étoit rétréci par le commerce de gens qui n'avoient aucun savoir ni aucune connoissance de l'antiquité. Pour l'abbé Terrasson [Dissertation critique sur l'Iliade d'Homère, 1715], les cinq sens lui manquaient. Boivin [Apologie d'Homère et Bouclier d'Achille, 1715] étoit un sçavant seulement. Pour le poète Gacon [Homère vengé, 1711], "on l'a jamais connu trop méprisable".

[17] Pope avait publié sa version de l'Iliade en 1715; celle de l'Odyssée en 1725. Sur la dispute de Madame Dacier avec Pope voir HEPP, Homère en France, pp. 642-660.

[18] Oeuvres complètes de Montesquieu, editées par A. MASSON, Paris, 1950, tome II, p. 1482; Catalogue, p. 242, n° 15; A. POPE, Works, London – Gand, P. Knapton, 1753, II, Translations. L'édition de 1736 des Works possédée par Montesquieu (Catalogue, 2154) ne comprenait pas les traductions poétiques.

[19] MONTESQUIEU, Pensées, 116. L'ouvrage de Houdart de La Motte est de 1714.

[20] MONTESQUIEU, Pensées, 2252.

[21] Oeuvres complètes de Montesquieu, editées par A. MASSON, tome III, p. 706: "sous sa plume Homère devient aride, il veut le rendre ingénieux lorsqu'il est grand; et, lorsqu'il est simple, Homère perd ses agréments comme les palais enchantés qui deviennent des déserts".

[22] MONTESQUIEU, Pensées, 116: "Monsieur de La Motte est un enchanteur, qui nous séduit par la force de ses charmes. Mais il faut se défier de l'art qu'il employe. Il a porté dans la dispute ce génie divin, ces talents heureux, si connus dans ce siècle-ci, mais que la posterité connoîtra mieux encore". Jugement sévère, au contraire de la Pensée 894, tempérée en quelque manière dans la pensée suivante: "il est vrai que Monsieur de La Motte a été entraîné dans les détails par Madame Dacier même [...]".

[23] Catalogue, 2059-2060. Les deux versions sont enregistrées, par erreur, par le secrétaire de Montesquieu sous le nom de Madame Dacier. L'erreur s'explique. Les traductions de Monsieur de La Valterie ont pour titre: L'Iliade d'Homère traduite en français par M. D***, Paris, Brunet, 1709; L'Odyssée d'Homère etc.

[24] MONTESQUIEU, Pensées, 1681.

[25] HEPP, Homère en France, pp. 462-464.

[26] L'écriture du cahier est l'écriture r, c'est-à-dire celle d'un secrétaire qui servit Montesquieu de 1751 à 1754, selon le tableau donné par R. SHACKLETON (Oeuvres complètes de Montesquieu, editées A. MASSON, tome II, pp. XXXVII-XXXIX). J'ai consulté ce cahier (incomplet pour les trois feuillets: toutes les citations viennent du chant premier de l'Iliade) de 19 et 6 feuillets en microfilm. Seul le second cahier a pour titre: Extrait de l'Odyssée d'Homère et du Télémaque. Voici les pages de la version de La Valterie qui ont attiré l'attention de Montesquieu: tome premier, pp. 97-98, 201-202, 204, 221, 238, 260, 262, 262-264, 269, 276, 283, 289, 298, 368-369, 375, 387, 421, 426, 432, 436, 448, 454, 456, 476, 513, 518, 521, 524-525; tome second, pp. 20, 34, 38, 51, 59, 61, 64-65, 68-69, 90, 126, 131, 144, 163, 222, 319-320, 337, 348, 386, 416, 470, 532-533, 538, 550, 557. Tous les livres n'on pas éveillé son intérêt et pas tous dans la même mesure. Il en a sauté quelques-uns: le 3e, le 4e, le 8 e, le 10 e, le 19 e. Montesquieu a montré beaucoup moins intérêt pour l'Odyssée (tome premier, pp. 42, 60, 81, 96-97, 233, 244, 248, 267, 321, 370-371, 381, 407, 409, 416). Après le livre VI, il quitte brusquement Homère pour Fénelon. La beauté du Télémaque rejaillit sur Homère: "L'ouvrage divin de ce siècle, Télémaque, dans lequel Homère semble respirer, est une preuve sans réplique de l'excellence de cet ancien poète" (MONTESQUIEU, Pensées, 115). L'examene du Télémaque est annoncé par cette épigramme: "Le solide est le roman / le frivol est le mistique".

[27] Oeuvres complètes de Montesquieu, editées par A. MASSON, tome III, p. 704, par exemple, Montesquieu fait une observation, à mon avis, très subtile sur l'hospitalité qui caractérisait les rapports humains aux temps héroïques et conclut: "on voit que les Grecs [...] n'avaient pas la même idée de générosité que nous". Dans l'édition Masson, il venait de parler des métaux! Il y a aussi des fautes de lecture: Tlepomène est Tlepolème, Theon Thoon, Xantus Xanthus etc.

[28] R. DESGRAVES, "Les extraits de lecture de Montesquieu", Dix-hutième siècle, XXV, 1993, p. 489: "plusieurs éditions possibles".

[29] Il suffit de confronter les pages que j'ai indiquées avec l'extrait de Montesquieu. Il faut ajouter qu'il savait bien, malgré l'anonymat, qui était l'auteur de la version.

[30] MONTESQUIEU, Esprit des Lois, XX, 17; XXI, 7 ("je pourrai peut-être parler de Rhodes dans mes deux livres sur le commerce", Extrait, f. 3B); XXI, 7: "Il paraît que, du temps d'Homère, l'opulence de la Grèce était à Rhodes, à Corinthe et à Orchomène. Jupiter, dit-il, aima les Rhodiens, et leur donna de grandes richesses". Il donne à Corinthe l'épithète de riche" (Iliade, II, 570, 666-670; IX, 381).

[31] HEPP, Homère en France, pp. 462-464.

[32] MONTESQUIEU, Pensées, 2179.

[33] G.B. VICO, Scienza nuova seconda, Napoli, 1744, libro II, 3, IX; Iliade, III, 245-265: "Les héros ne célèbraient aucun banquet qui ne fut un sacrifice, dont ils étaient les prêtres [...]. C'est pour cela qu'Agamemnon en personne tue les deux agneaux, et avec ce sacrifice il consacre le pacte de la guerre contre Priam. Alors cette idée était magnifique, idée qui aujourd'hui nous paraît tipique d'un boucher" (G. SISSA, M. DETIENNE, La vita quotidiana degli dei greci, Bari, Laterza, 1989, pp. 60-61).

[34] Oeuvres complètes de Montesquieu, editées par A. MASSON, tome III, p. 704; MONTESQUIEU, Extrait, note au livre VI; E. MIREAUX, La vie quotidienne aux temps d'Homère, Paris, 1954, chapitre III: "La Grèce homérique nous apparaît comme recouverte par un vaste réseau de familles liées par les devoirs réciproques de cette hospitalité aux rites inviolables".

[35] MONTESQUIEU, Pensées, 1110.

[36] Montesquieu lisait la version française d'Herberay des Essarts, qui avait multiplié les Amadis de Montalvo. En 1540, Herberay des Essarts avait commencé à traduire (ou - plutôt - rétraduire, selon lui) en français Los quatro libros del virtuoso cavallero Amadìs de Gaula de Garci Rodriguez de Montalvo (Saragosse, 1508) et avait continué jusqu'au huitième (1548). A mesure que cette "novela sentimental" et aventureuse s'allongeait (en 1615 parut le XXIVe livre; sa fortune européenne croissait. Goethe aussi l'admirait: "C'est une honte – disait-il – de vieillir sans connaître un ouvrage si excellent". Montesquieu (qui, à la suite de Herberay, croyait à son origine française) n'est pas – on va le voir – tellement enthousiaste (MONTESQUIEU, Spicilège, 454; Catalogue, 2224).

[37] MONTESQUIEU, Pensées, 2179.

[38] Oeuvres complètes de Montesquieu, editées par A. MASSON, tome III, p. 941.

[39] De la manière gotique, vers 1734; Oeuvres complètes de Montesquieu, editées par A. MASSON, tome III, p. 28.

[40] Ibid.

[41] Considérations académiques ou dissertation sur l'Iliade, 1715.

[42] MONTESQUIEU, Spicilège, 677; CICERON, De oratione, III, 34, 137.

[43] MONTESQUIEU, Pensées, 132. Pour Madame Dacier, la thélogie d'Homère "est conforme à la plus saine théologie": elle y trouvait des présages de monothéisme (HEPP, Homère en France, pp. 642-644).

[44] MONTESQUIEU, Pensées, 2252.

[45] MONTESQUIEU, Pensées, 130.

[46] MONTESQUIEU, Pensées, 868.

[47] MONTESQUIEU, Pensées, 2252.

[48] Oeuvres complètes de Montesquieu, editées par A. MASSON, tome III, p. 2179.

[49] VICO, Scienza nuova seconda, III, I, 1: "Celui en qui les leçons des philosophes auraient développé les sentiments de l'humanité et de la pitié n'aurait pas eu non plus ce style si fier et d'un effet si terrible avec lequel il décrit, dans toute la variété de leurs accidents, les plus sanglants combats, avec lequel il diversifie de cent manières bizarres les tableaux de très cruelles formes de meurtre qui font en particulier toute la sublimité de l'Iliade" (j'ai adapté la traduction de Jules Michelet). Si Montesquieu avait acheté à Naples, pendant son voyage, la Scienza nuova prima (1725) qu'Antonio Conti lui avait signalée (Oeuvres complètes de Montesquieu, editées par A. MASSON, tome II, p. 1008), il n'y aurait pas trouvé le livre III (Discoverta del vero Omero), qui fut ajouté dans la Scienza nuova seconda en 1744 [N. BADALONI, Antonio Conti. Un abate libero pensatore tra Newton e Voltaire, Milano, Feltrinelli, 1968; S. ROTTA, "Montesquieu nel Settecento italiano: note e ricerche", Materiali per una storia della cultura giuridica, I, 1971, pp. 55-209; N. BADALONI, Introduzione a Vico, Bari, Laterza, 1984].