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Salvatore Rotta L'Homère de Montesquieu [*] |
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Le jeune Montesquieu avait probablement reçu, dans
la dernière année de son séjour au collège
de Juilly (1700-1705), quelques rudiments de grec.[1]
Il en traçait avec élégance les caractères.[2]
Mais, découragé, il en avait abandonné l'étude:
"c'est la langue du monde la plus difficile".[3]
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[*] Articolo pubblicato originariamente nel volume collettivo Homère en France après la Querelle (1715-1900), Actes du colloque de Grenoble (23-25 octobre 1995), Université Stendhal – Grenoble 3, édités par F. Létoublon, C. Volpihac-Auger avec la collaboration de D. Sangsue, Paris, Champion, 1999, pp. 141-148. Rispetto alla versione originale, sono state qui sciolte le abbreviazioni e sfrondate le maiuscole nelle fonti citate. Inoltre, ogni ulteriore intervento editoriale è stato segnalato dal curatore mediante l'uso di parentesi quadre, entro le quali viene riportata – in grassetto – anche la paginazione originale del testo [Davide Arecco]. [1] Montesquieu avait fréquenté le collège des Oratoriens de Juilly du 11 août 1700 au 11 août 1705 (R. SHACKLETON, Montesquieu. A Critical Biography, Oxford, Oxford University Press, 1961, p. 6). Dand le collège de l'Oratoire "l'on ne commençait l'étude de cette langue [le grec] qu'on Ve [...] et l'on ne pratiquait pas le thème" (N. HEPP, Homère en France, p. 16). [2] Bibliothèque Municipale de Bordeaux, Ms. 1867, f. 320 (Oeuvres complètes de Montesquieu, XIII, Spicilège, edité par R. MINUTI et annoté par S. ROTTA, Oxford – Napoli, Voltaire Foundation – Istituto Italiano per gli Studi Filosofici, 2002, n. 354). [3] MONTESQUIEU, Spicilège, 568. [4] Histoire de Constantinople depuis le règne de l'ancient Justin jusqu'à la fin de l'Empire traduite sur les originaux grecs par L. COUSIN, Paris, 1672, 8 vols, voir Considérations sur les [...] Romains, chapitre XXII (Pachymère); P. LEMERLE, "Montesquieu et Bysance", Le Flambeau, XXXI, 4, 1948, p. 4 de l'extrait. [5] Heroica Homeri Ilias postrema editio Latine omnia ad verbum exposita et a F. PORTO CRETENSI innumeris in locis emendata, [s.l.], [s.d.]. Dans le Catalogue de la Bibliothèque de Montesquieu, edité par L. DESGRAVES et C. VOLPIHAC-AUGER avec la collaboration de F. WEIL, Cahiers Montesquieu, 1997 (ci-après Catalogue), porte le numéro 2057. François Portus (1511-1581) avait été professeur de grec à Genève, ou il avait trouvé refuge à cause de ses idées religieuses. La première édition avait été publiée en 1580 (HEPP, Homère en France, p. 789, n° 48). Deux nouvelles éditions, procurées par son fils Emile (1550-1612), lui aussi helléniste, [ont été publiées] en 1609 et 1621. [6] Homeri quae extant omnia Ilias Odyssea Batrachomyomachia Hymni poemata aliquot cum latina versione [...] perpetuis item justisque in Iliada simul et Odysseam IO. SPONDANI commentariis, Basileae, E. Episcopi opera, 1583 (Catalogue, 2056). [7] Homeri Ilias et Odyssea et in easdem scholia sive interpretatio veterum [...] cum versione latina emendatissima opera studio et impensis Josuae Barnes, Cantabrigiae, apud C. Crownfield, 1711 (MONTESQUIEU, Spicilège, 705). [8] Spicilège, 705: "l'Homère commun qu'on a pour Westminster". C'est moi qui propose de lire Wetstein au lieu de Westminster. Il s'agit, donc, de Homeri Opera quae extant omnia graece et latine [...] curante IO. HENRICUS LEDERLINO et post eum STEPHANUS BERGLERO, Amstelaedami, ex officina Wetsteiniana, 1707. [9] Catalogue, 2062; J. LE CLERC, Bibliothèque choisie, XI. [10] MONTESQUIEU, Spicilége, 705. [11] MONTESQUIEU, Spicilège, 279. [12] L'Iliade traduite par le SIEUR DU SOUHAIT, Paris, Gasse, 1627 (Catalogue, 2061). La première édition est de 1614. [13] MONTESQUIEU, Pensées, 116. [14] MONTESQUIEU, Pensées, 894. [15] L'Iliade d'Homère [...] traduite en français [...] par MADAME DACIER, [...] avec quelques réflexions sur la préface anglaise de Monsier Pope, 1719. [16] MONTESQUIEU, Pensées, 894-895: "Monsier de La Motte manquoit de sentiment, et son esprit s'étoit rétréci par le commerce de gens qui n'avoient aucun savoir ni aucune connoissance de l'antiquité. Pour l'abbé Terrasson [Dissertation critique sur l'Iliade d'Homère, 1715], les cinq sens lui manquaient. Boivin [Apologie d'Homère et Bouclier d'Achille, 1715] étoit un sçavant seulement. Pour le poète Gacon [Homère vengé, 1711], "on l'a jamais connu trop méprisable". [17] Pope avait publié sa version de l'Iliade en 1715; celle de l'Odyssée en 1725. Sur la dispute de Madame Dacier avec Pope voir HEPP, Homère en France, pp. 642-660. [18] Oeuvres complètes de Montesquieu, editées par A. MASSON, Paris, 1950, tome II, p. 1482; Catalogue, p. 242, n° 15; A. POPE, Works, London – Gand, P. Knapton, 1753, II, Translations. L'édition de 1736 des Works possédée par Montesquieu (Catalogue, 2154) ne comprenait pas les traductions poétiques. [19] MONTESQUIEU, Pensées, 116. L'ouvrage de Houdart de La Motte est de 1714. [20] MONTESQUIEU, Pensées, 2252. [21] Oeuvres complètes de Montesquieu, editées par A. MASSON, tome III, p. 706: "sous sa plume Homère devient aride, il veut le rendre ingénieux lorsqu'il est grand; et, lorsqu'il est simple, Homère perd ses agréments comme les palais enchantés qui deviennent des déserts". [22] MONTESQUIEU, Pensées, 116: "Monsieur de La Motte est un enchanteur, qui nous séduit par la force de ses charmes. Mais il faut se défier de l'art qu'il employe. Il a porté dans la dispute ce génie divin, ces talents heureux, si connus dans ce siècle-ci, mais que la posterité connoîtra mieux encore". Jugement sévère, au contraire de la Pensée 894, tempérée en quelque manière dans la pensée suivante: "il est vrai que Monsieur de La Motte a été entraîné dans les détails par Madame Dacier même [...]". [23] Catalogue, 2059-2060. Les deux versions sont enregistrées, par erreur, par le secrétaire de Montesquieu sous le nom de Madame Dacier. L'erreur s'explique. Les traductions de Monsieur de La Valterie ont pour titre: L'Iliade d'Homère traduite en français par M. D***, Paris, Brunet, 1709; L'Odyssée d'Homère etc. [24] MONTESQUIEU, Pensées, 1681. [25] HEPP, Homère en France, pp. 462-464. [26] L'écriture du cahier est l'écriture r, c'est-à-dire celle d'un secrétaire qui servit Montesquieu de 1751 à 1754, selon le tableau donné par R. SHACKLETON (Oeuvres complètes de Montesquieu, editées A. MASSON, tome II, pp. XXXVII-XXXIX). J'ai consulté ce cahier (incomplet pour les trois feuillets: toutes les citations viennent du chant premier de l'Iliade) de 19 et 6 feuillets en microfilm. Seul le second cahier a pour titre: Extrait de l'Odyssée d'Homère et du Télémaque. Voici les pages de la version de La Valterie qui ont attiré l'attention de Montesquieu: tome premier, pp. 97-98, 201-202, 204, 221, 238, 260, 262, 262-264, 269, 276, 283, 289, 298, 368-369, 375, 387, 421, 426, 432, 436, 448, 454, 456, 476, 513, 518, 521, 524-525; tome second, pp. 20, 34, 38, 51, 59, 61, 64-65, 68-69, 90, 126, 131, 144, 163, 222, 319-320, 337, 348, 386, 416, 470, 532-533, 538, 550, 557. Tous les livres n'on pas éveillé son intérêt et pas tous dans la même mesure. Il en a sauté quelques-uns: le 3e, le 4e, le 8 e, le 10 e, le 19 e. Montesquieu a montré beaucoup moins intérêt pour l'Odyssée (tome premier, pp. 42, 60, 81, 96-97, 233, 244, 248, 267, 321, 370-371, 381, 407, 409, 416). Après le livre VI, il quitte brusquement Homère pour Fénelon. La beauté du Télémaque rejaillit sur Homère: "L'ouvrage divin de ce siècle, Télémaque, dans lequel Homère semble respirer, est une preuve sans réplique de l'excellence de cet ancien poète" (MONTESQUIEU, Pensées, 115). L'examene du Télémaque est annoncé par cette épigramme: "Le solide est le roman / le frivol est le mistique". [27] Oeuvres complètes de Montesquieu, editées par A. MASSON, tome III, p. 704, par exemple, Montesquieu fait une observation, à mon avis, très subtile sur l'hospitalité qui caractérisait les rapports humains aux temps héroïques et conclut: "on voit que les Grecs [...] n'avaient pas la même idée de générosité que nous". Dans l'édition Masson, il venait de parler des métaux! Il y a aussi des fautes de lecture: Tlepomène est Tlepolème, Theon Thoon, Xantus Xanthus etc. [28] R. DESGRAVES, "Les extraits de lecture de Montesquieu", Dix-hutième siècle, XXV, 1993, p. 489: "plusieurs éditions possibles". [29] Il suffit de confronter les pages que j'ai indiquées avec l'extrait de Montesquieu. Il faut ajouter qu'il savait bien, malgré l'anonymat, qui était l'auteur de la version. [30] MONTESQUIEU, Esprit des Lois, XX, 17; XXI, 7 ("je pourrai peut-être parler de Rhodes dans mes deux livres sur le commerce", Extrait, f. 3B); XXI, 7: "Il paraît que, du temps d'Homère, l'opulence de la Grèce était à Rhodes, à Corinthe et à Orchomène. Jupiter, dit-il, aima les Rhodiens, et leur donna de grandes richesses". Il donne à Corinthe l'épithète de riche" (Iliade, II, 570, 666-670; IX, 381). [31] HEPP, Homère en France, pp. 462-464. [32] MONTESQUIEU, Pensées, 2179. [33] G.B. VICO, Scienza nuova seconda, Napoli, 1744, libro II, 3, IX; Iliade, III, 245-265: "Les héros ne célèbraient aucun banquet qui ne fut un sacrifice, dont ils étaient les prêtres [...]. C'est pour cela qu'Agamemnon en personne tue les deux agneaux, et avec ce sacrifice il consacre le pacte de la guerre contre Priam. Alors cette idée était magnifique, idée qui aujourd'hui nous paraît tipique d'un boucher" (G. SISSA, M. DETIENNE, La vita quotidiana degli dei greci, Bari, Laterza, 1989, pp. 60-61). [34] Oeuvres complètes de Montesquieu, editées par A. MASSON, tome III, p. 704; MONTESQUIEU, Extrait, note au livre VI; E. MIREAUX, La vie quotidienne aux temps d'Homère, Paris, 1954, chapitre III: "La Grèce homérique nous apparaît comme recouverte par un vaste réseau de familles liées par les devoirs réciproques de cette hospitalité aux rites inviolables". [35] MONTESQUIEU, Pensées, 1110. [36] Montesquieu lisait la version française d'Herberay des Essarts, qui avait multiplié les Amadis de Montalvo. En 1540, Herberay des Essarts avait commencé à traduire (ou - plutôt - rétraduire, selon lui) en français Los quatro libros del virtuoso cavallero Amadìs de Gaula de Garci Rodriguez de Montalvo (Saragosse, 1508) et avait continué jusqu'au huitième (1548). A mesure que cette "novela sentimental" et aventureuse s'allongeait (en 1615 parut le XXIVe livre; sa fortune européenne croissait. Goethe aussi l'admirait: "C'est une honte – disait-il – de vieillir sans connaître un ouvrage si excellent". Montesquieu (qui, à la suite de Herberay, croyait à son origine française) n'est pas – on va le voir – tellement enthousiaste (MONTESQUIEU, Spicilège, 454; Catalogue, 2224). [37] MONTESQUIEU, Pensées, 2179. [38] Oeuvres complètes de Montesquieu, editées par A. MASSON, tome III, p. 941. [39] De la manière gotique, vers 1734; Oeuvres complètes de Montesquieu, editées par A. MASSON, tome III, p. 28. [40] Ibid. [41] Considérations académiques ou dissertation sur l'Iliade, 1715. [42] MONTESQUIEU, Spicilège, 677; CICERON, De oratione, III, 34, 137. [43] MONTESQUIEU, Pensées, 132. Pour Madame Dacier, la thélogie d'Homère "est conforme à la plus saine théologie": elle y trouvait des présages de monothéisme (HEPP, Homère en France, pp. 642-644). [44] MONTESQUIEU, Pensées, 2252. [45] MONTESQUIEU, Pensées, 130. [46] MONTESQUIEU, Pensées, 868. [47] MONTESQUIEU, Pensées, 2252. [48] Oeuvres complètes de Montesquieu, editées par A. MASSON, tome III, p. 2179. [49] VICO, Scienza nuova seconda, III, I, 1: "Celui en qui les leçons des philosophes auraient développé les sentiments de l'humanité et de la pitié n'aurait pas eu non plus ce style si fier et d'un effet si terrible avec lequel il décrit, dans toute la variété de leurs accidents, les plus sanglants combats, avec lequel il diversifie de cent manières bizarres les tableaux de très cruelles formes de meurtre qui font en particulier toute la sublimité de l'Iliade" (j'ai adapté la traduction de Jules Michelet). Si Montesquieu avait acheté à Naples, pendant son voyage, la Scienza nuova prima (1725) qu'Antonio Conti lui avait signalée (Oeuvres complètes de Montesquieu, editées par A. MASSON, tome II, p. 1008), il n'y aurait pas trouvé le livre III (Discoverta del vero Omero), qui fut ajouté dans la Scienza nuova seconda en 1744 [N. BADALONI, Antonio Conti. Un abate libero pensatore tra Newton e Voltaire, Milano, Feltrinelli, 1968; S. ROTTA, "Montesquieu nel Settecento italiano: note e ricerche", Materiali per una storia della cultura giuridica, I, 1971, pp. 55-209; N. BADALONI, Introduzione a Vico, Bari, Laterza, 1984]. |