Eliohs: Electronic Library of Historiography
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François de La Mothe Le Vayer

Préface pour un ouvrage historique

La Mothe Le Vayer, Préface pour un ouvrage historique,
URL: testi/600/lamothe/preface.html
Html edition for Eliohs by Guido Abbattista and Ann Thomson (May 1996)

[Editorial Note]
[Abstract]

C'est une chose assez superflue à ceux qui ont dessein d'écrire quelque Histoire, de commencer par ces protestations ordinaires que l'amour ni la haine de qui que ce soit ne leur feront rien dire de contraire à la vérité. Car comme en ce qui touche les complimens, tout le monde se sert de mêmes termes, & il est presque impossible de discerner une personne, qui parle franchement, d'avec une autre, qui dissimule, parce que tous deux usent d'égales protestations de service. Il n'est pas plus aisé de reconnoître par de belles Préfaces, ni par les plus expresses assurances de probité qu'on puisse donner, celui qui est pour garder réligieusement les loix de l'Histoire, & pour se laisser le moins aller à ses passions; d'autant que ceux mêmes, qui pèchent davantage en [284] cela, ne laissent pas d'emploier de semblables discours, afin de gagner créance, & de paroître aussi disinteressés, qu'ils le devroient être. Cela m'empèchera d'entrer dans des justifications superflues, me contentant de donner parole au Lecteur de cette Histoire, qu'il n'y verra rien que je ne sois prêt de lui justifier par des titres irreprochables, & que je ne me puisse vanter d'avoir pris dans les plus curieux registres, & les plus fideles mémoires de notre tems, puisque ce sont les originaux des Ambassadeurs, des Sécretaires d'État, & des premiers Ministres de cette Couronne.

Je sais bien, que plusieurs ont crû, qu'il n'appartenoit qu'à ceux-ci de mettre la main à la plume pour une si haute entreprise qu'est celle dont nous parlons. Polybe [Lib. 12 Hist.] prend de là sujet de se moquer de Timée, comme de celui qui n'aiant eu aucune connoissance des choses, dont il traitoit, s'étoit laissé abuser par de faux rapports, & par de mauvaises rélations, qui lui avoient été fournies. Et nous voions dans l'une des lettres de Sidonius Apollinaris, que ce grand Prélat ne voulut jamais entreprendre d'écrire l'Histoire de son tems, à la prière d'un des principaux Conseillers d'Euricus & d'Alaric Rois des Gots, [285] lui mandant, qu'il étoit plus capable de cela que personne, puisque les plus secretes & les plus importantes affaires avoient passé par ses mains. Mais outre qu'il n'arrive guéres, que ceux, qui sont dans si grands emplois, aient ni le loisir, ni la volonté de s'amuser à cette sorte d'étude, encore peut-on dire, que quand même leur Génie les y porteroit, & que leurs continuelles occupations pour le bien public ne s'y opposeroient point, il n'y a guéres d'apparence qu'ils reüssissent mieux que les autres dans une chose, où du moins ils ne peuvent éviter le soupçon de quelque partialité. Car il est bien difficile de ne pas s'imaginer, qu'ils aient pour but de faire valoir leurs propres négociations, & de justifier autant que faire se pourra toutes leurs procedures. Beaucoup de personnes mêmes se persuadent, que ce sont ceux des hommes, qui donnent le plus à leurs passions, & par consequent qui sont le moins propres de tous à faire un véritable recit des actions, où ils ont eu tant de part. Quant aux sécrets de l'État, dont on peut dire, qu'ils sont seuls capables de nous informer, ce seroit être trop simple de croire, qu'ils dussent communiquer indifféremment au public tout ce qui est venu à leur connoissance. Tant s'en faut, [286] il n'y en a point, qui tiennent cachés avec plus de soin les mysteres politiques, qu'il n'est pas peut-être expédient de divulguer. Le Roi d'Espagne Philippe Second chargea Christophle de Mora en mourant, de brûler tous les papiers de son gouvernement, qu'il jugeroit ne devoir pas venir en évidence; Et je crois, qu'il ne fit rien en cela, qui ne lui soit commun avec tous ceux, qui ont à ménager l'interêt de quelque Souveraineté. Ce n'est pas à dire, que ce ne soit le propre de l'Histoire d'expliquer autant qu'il lui est permis les actions qu'elle représente. [Dial. 10 Lib. 1 hist. Non modo casus eventusque rerum, sed ratio etiam causaque noseantur. Lib. 5 ant. Rom. & ep. Ad Cn. Pomp.] Ceux qui soutiennent le contraire, comme François Patrice, qui reprend très mal Polybe, d'avoir plus fait en cela le Philosophe que l'Historien, sont d'autant plus ridicules, qu'outre l'usage de tous les bons Auteurs, ils ont pû lire non seulement dans le second livre de l'Orateur de Ciceron, mais encore dans Tacite cette importante loi de l'Histoire, de ne rapporter pas simplement l'évenement des choses; mais d'en dire toûjours les raisons, & les conseils qui ont précédé. Denis d'Halicarnasse étoit si persuadé de cela, qu'il ne prise de rien tant l'Histoire de Théopompe, que de ce qu'elle apprenoit les causes certaines, & les véritables motifs d'une infinité de [287] grandes entreprises. Il le compare là dessus àces renommés Juges des Enfers, à qui les Poëtes font examiner les raisons de toutes choses. Et il observe que Théopompe s'étant trouvé présent en beaucoup d'expéditions militaires, qu'il décrivoit, & aiant contracté amitiés avecf les plus grands hommes de son tems, il lui avoit été plus facile qu'à un autre, de toucher les raisons essentielles des principales actions, que contenoit son Histoire. Surquoi l'on doit considérer, que si ces raisons peuvent être mises par écrit, comme personne n'en doute, elles le peuvent aussi fort bien apprendre par ceux , qui prennent la peine de rechercher tout ce qui est propre à leur en acquerir la connoissance. Thucydide ne mit la main à la plume pour nous décrire cette longue guerre Peloponnesiaque, qu'après avoir fait provision de tous les mémoires, qu'il en pût recouvrer, non seulement dans Athénes, de ceux de son parti, mais encore des Lacedemoniens, & du reste des Grecs; en quoi Marcellin, qui a dressé le discours de savie, nous assure, qu'il emploia de tres grandes sommes d'argent. Il ne laissoit pas d 'être lui même témoin de plusieurs actions, où il s'étoit trouvé. Mais aussi n'ignoroit-il pas l'impossibilité d'écrire une [288] Histoire sans l'aide d'autrui, & si l'on n'est assisté de beaucoup de rélations différentes; n'y aiant point d'homme, qui se puisse vanter de connoitre toutes les circonstances des affaires, où assez d'autres ont contribue. Un Général d'armée ne sauroit rendre compte de tout ce qui s'est passé dans un fait d'armes, si ce n'est sur le raport d'autrui, parce qu'il n'a pas pû se rencontrer en personne dans tous les lieux du combat. Et celui qui veut en parler comme Historien, ne doit pas être moins informé du dessein des ennemis, & de ce qu'ils ont fait, que de ce qu'il a pû apprendre touchant ceux de son côté.

Or comme je pense, qu'il est obligé d'emploier toute sorte de diligence à s'instruire, & à faire l'amas nécessaire de ces beaux materiaux, qui composent le batiment d'une Histoire: Aussi ne suis-je pas de l'avis de ceux, qui ne peuvent souffrir, qu'on y commette la moindre faute, sans condanner tout l'ouvrage, & qui croient, que la plus petite pierre hors d'ouvre est la ruine de tout l'édifice. Polybe & Timée se sont servis d'une comparaison qui a donné lieu à cette opinion. Lors qu'ils ont dit, qu'ainsi que la rectitude étoit de l'essence de la regle, la vérité devoit être considérée de même dans l'Histoire. J'avouë [289] bien, que cette vérité est une qualité si requise en toute sorte d'Histoire, qu'il n'y en a point qui ne soit méprisable, sans elle. Mais je nie, qu'elle soit tellement de leur essence, que le moindre mêlange du mensonge les détruise absolument, comme l'entendent ceux, qui veulent qu'on prenne trop à la rigueur la similitude de Polybe. En effet, s'il falloit l'interpréter de la façon, il seroit aisé de prouver en suite, qu'il n'y auroit du tout point d'Histoire au Monde, si l'on excepte la Sacrée, ne s'en trouvant aucune, selon le dire de Vopiscus, où le defaut de nôtre humanité ne paroisse par le rencontre [In Aureliano] de quelque fausseté. Hérodote est taxé d'avoir fait fuïr les Corinthiens à la bataille de Salamine, par un ressentiment de ce qu'il avoit été méprisé d'eux. On se moquoit de Timée, qui tournoit tout à l'avantage de Timoleon, pour reconnoitre les obligations, qu'il lui avoit. Philistus étoit démesuré dans ses invectives contre les adversaires de Denys le Jeune. Et Xénophon n'a pas mieux traité Ménon à cause qu'il étoit lié d'amitié avec Platon. Quant a Thucydide, quelques uns de ses admirateurs mêmes ont reconnu, qu'il s'est plû à représenter Cléon dans toute son Histoire comme un fou, pour se venger de [290] ses calomnies, qui avoient eu le pouvoir de le faire bannir d'Athénes. On y a encore observé, que pour ne pas blesser la mémoire d'Antiphon son Précepteur en Rhétorique, il supprime l'injure que lui firent les Athéniens après sa mort, jettant son corps hors de leur ville, par une omission, qui n'offense souvent pas moins la fidelité de l'Histoire, que le mensonge. Polybe reprend Fabius & Philinus, qui en avoient écrit tous deux une même; le premier d'avoir mis injustement tout l'avantage du côté des Romains, l'autre au contraire de s'être déclaré trop partial des Carthaginois. Et l'on peut voir dans Aulu Gelle [Noct. Artic. l. 6 cap. 8], que ce Polybe même qui n'épargnoit pas quelquefois son propre pere, semble avoir voulu flater les Romains en la personne de Scipion, lui faisant exercer un acte de continence si merveilleuse à la prise de Carthagene, lorsque cette belle captive Espagnole lui fut présentée: Car outre les vers de Cn. Nævius, qui rendent l'action fort suspecte, Valerius Antias la démentoit expressément dans son Histoire, assurant que Scipion retint cette fille, & qu'il ne la voulut jamais rendre à ses parens. [Ep. t. l. 6 ad Attic.] Mais il me souvient de deux exemples fort exprès que donne Ciceron, pour montrer [291] qu'il se trouve de certaines faussetés dans les ouvrages, dont elles ne doivent pas pour cela ruiner la réputation. Le premier est de Duris Samien très exact Historien, qui avoit écrit, qu'Alcibiade passant de Gréce en Sicile jetta dans la mer le Poëte Eupolis, renommé parmi ceux de la vieille Comédie, surquoi il fut convaincu de mensonge par Eratosthéne, qui fit voir des Comédies d'Eupolis posterieures à cette navigation d'Alcibiade. Le second exemple touche Théophraste, en ce que, conformément à l'opinion la plus commune, il avoit nommé Zaleucus Legislateur des Locriens, dont il fut rudement repris par Timée. Est-ce à dire, poursuit Ciceron, que Duris & Théophraste doivent être absolument rejettés pour cela; Non certes, c'est une chose trop humaine que de se tromper, même en de telles rencontres, où l'on ne fait que suivre l'erreur des autres. Il y a eu des Auteurs sans nombre, & d'ailleurs très approuvés, qui ont soutenu les uns après les autres, que les Rois de Sparte avoient double suffrage parmi les Ephores; Thucydide néanmoins nous assure, que c'est là une de ces choses, qui sont quelquefois aussi universellement crûes, qu'elles sont fausses, & qu'en effet la voix de ces Rois ne fut jamais [292] comptée que pour une dans toutes les Assemblées de Lacédemone. Je ne juge pas à propos de rapporter davantage d'exemples de l'antiquité, pour montrer qu'elle n'a point d'Historiens si renommés, dont on ne pût rebuter les travaux, si la maxime de Polybe étoit certaine, & que la vérité fût aussi essentielle à l'Histoire que la rectitude à la regle, qui perd son nom, & n'est plus bonne à rien, de l'heure qu'elle a cessé d'être droite. Quant aux Auteurs de ce tems, il me seroit aisé de prouver par ceux mêmes de la premiere classe, qu'il n'y en a aucun à qui l'on n'ait voulu reprocher d'assez notables mécomptes, si je n'évitois de tout mon possible les choses odieuses, lorsque je puis bien me passer comme ici de les rapporter. On peut dire des uns & des autres, que comme un mauvais juge dans un fait particulier, ne laisse pas d'être juge, ils ne perdent pas non plus la qualité d'Historiens, quoiqu'ils se soient mépris en quelques endroits. En effet, il y a bien de la différence entre mentir, & dire un mensonge, le premier couvre d'infamie ceux, dont nous parlons, mais il n'y auroit point d'apparence de faire un crime irrémissible du second. Pourvû qu'on n'avance rien contre sa science, ni contre sa [293] conscience, le reste doit être donné à nôtre humanité. Aussi n'est-il pas honteux de se retracter dans ce genre d'écrire, comme il l'est peut être dans d'autres professions, qui dépendent de certains principes, & de quelques raisonnemens, où l'on ne peut confesser d'avoir erré, qu'on n'accuse le defaut de son jugement. Mais à l'égard de l'Histoire, qui n'est qu'un registre, ou un mémorial, appuïé le plus souvent sur la fidelité des yeux & des oreilles d'autrui, ce n'est pas merveille, si on s'écarte quelque fois du but de la vérité. Il est même du devoir d'un Historien d'écrire assez ordinairement des choses, qu'il ne croit point, ne fût-ce que pour remarquer ce qui a été tenu pour constant par le peuple. Tite Live [Lib. 1 & 5] en a usé ainsi, rapportant une infinité de prodiges incroïables, qu'il proteste au même lieu de ne vouloir pas garantir. Hérodote [Lib. 4] le plus licentieux de tous, se moque le premier de ce qu'il conte d'Abaris, & des Loups garoux de Scythie. Et Quinte Curce [Lib. 9] declare, qu'il couche beaucoup de choses parmi les gestes d'Alexandre le Grand, de la vérité desquelles il n'est nullement persuadé, n'osant pas néanmoins se dispenser de rapporter les vaines créances du tems auquel il écrivoit.

[294] Que si la séverité de quelque Critique a été trop grande en ce que nous avons dit jusqu'ici, bien qu'elle fût colorée du zèle de la vérité, nous pouvons faire voir qu'ils sont injustes tout à fait en beaucoup de choses, où ils se mêlent de donner des loix à l'Histoire, contre tout ce qui a été pratiqué par ceux, dont nous avons les ouvrages en quelque consideration. Mon dessein n'est pas d'examiner présentement toutes les parties d'un bon Historien, c'est le travail d'un juste volume, & puisque nous nous en sommes déja aucunement acquités au discours, qui fut imprimé il y a quelques années sur l'Histoire de Sandoval (1), il me suffira d'observer dans cette Préface les points, qui importent davantage à ce que nous proposons maintenant au public, & dont ces Critiques disputent sans raison avec le plus d'animosité.

Leur premier caprice est de condanner absolument toute sorte de Digressions, comme si elles étoient inséparables de la confusion, & incompatibles avec cette claire & méthodique narration, que demande une légitime Histoire. C'est l'ancienne hérésie de Philistus, imitateur au reste de Thucydide, mais si ennemi de la Digression, qu'il n'en voulut jamais pratiquer aucune. A la vérité, il y [295] en a de fort vicieuses, & qui troublent tellement la mémoire du Lecteur, quand elles sont trop frequentes, d'une longueur excessive, ou tou à fait éloignées du sujet principal, qu'il n'y a peut-être rien qui doive être plus soigneusement évité en ce genre d'écrire. Le Sophiste Théon reprend pour celles de Théopompe comme ennuieuses, outre qu'elles n'avoient souvent rien de commun avec son thème, qui étoit principalement des actions du grand Philippe, & de ce qui concernoit les Macedoniens. Et Photius nous apprend, que leur penultième Roi, cet autre Philippe, qui prit la peine de retrancher les Digressions, dont nous parlons de l'Histoire de Théopompe, reduisit à seize les cinquante trois livres qu'il avoit composés. Mais il ne faut pas conclure pour cela, qu'elles soient toutes à blâmer. Il y a des Episodes, comme les nomment les Grecs, qui sont très agréables, & qui servent même, selon la remarque de Théon, à reposer doucement l'esprit de celui, qui lit un grand ouvrage. Si l'Histoire n'avoit que la simple narration, comme dit Agathias [Lib. 1] sur une Digression qu'il fait de la diversité des Religions, elle seroit assez souvent méprisable. Et en effet, nous voions [296] qu'il n'y a quasi aucun Historien de nom, qui ne se soit donné la liberté d'user de semblables excursions, Thucydide, Polybe, & Denis d'Halicarnasse, sont les trois de tous les Grecs, qui ont écrit avec le plus de séverité, & néanmoins aucun d'eux ne s'en est voulu abstenir. Le premier rapportant dans son sixiéme livre le soupçon d'impieté & d'affectation de tyrannie où tomba Alcibiade, ce qui fit qu'on l'envoia chercher en Sicile, ajoûte, que le peuple d'Athénes reçût d'autant plus facilement cette accusation, qu'il se souvenoit encore de la tyrannie de Pisistrate. Et là dessus il entre librement dans la narration de ce fameux assassinat commis en la personne d'Hipparche & Aristogiton, ne prenant point d'autre prétexte de sa Digression, sinon, que cet Hipparche étoit frere d'Hispias, autre oppresseur de la liberté Athénienne, & tous deux fils de Pisistrate. Pour Polybe, il a tant fait de pareilles saillies, que c'est contre lui principalement que declament ceux, qui témoignent de les avoir si fort à contre-cour. Ils ne peuvent souffrir, qu'il quitte le fil de son Histoire, pour rechercher dans le second livre les causes de la grandeur inopinée des Acheïens, dont la République étoit de son tems la plus puissante [297], qui fût en Gréce; & dans le quatriéme, les raisons du malheur déplorable, arrivé aux habitans de Cynethe, ville d'Arcadie. La déscription d'un grand Empereur ou Général d'armée, qu'il fait dans son neuviéme livre, avec le discours du dixiéme touchant les Pyrsies ou signes qu'on peut donner par des feux allumés, leur sont insupportables. Et ils ne le traitent pas mieux à l'égard de ce beau raisonnement militaire, dont il use en un autre endroit, [ Lib.17], pour contenter ceux, qui s'étonnoient, que les Legions Romaines eussent enfin surmonté la Phalange Macedonienne, qui s'étoit jusques là conservée dans la réputation d'être invincible. Quant à Denis d'Halicarnasse, après avoir donné un si grand nombre de loix austeres à l'Histoire, il n'a pas laissé de mettre dans son septiéme livre cette notable avanture d'Aristodeme Tyran de Cumes, sans aucune nécessité, & par cette seule considération, que les Romains avoient envoié vers lui pour avoir du bled en un tems de famine. Les Historiens Latins ne se sont pas donné en cela moins de liberté que les Grecs. Tite Live [Dec t. lib. 9] s'est diverti sur cette curieuse question, de ce qui fut vraisemblablement arrivé, si Alexandre le Grand eût converti son courage & ses forces [298] contre les Romains. Salluste rapporte dans sa guerre Jugurthine l'Histoire de ces deux freres Philenes, qui se sacrifièrent si librement pour augmenter le territoire de Carthage au préjudice des Cyreniens, sans autre fondement que d'avoir dit seulement un mot des Syrtes, proches du lieu où se fit cette belle action. Et Tacite [Lib. 5 Hist.] aiant à parler du siége de Jerusalem, prend de là occasion de rapporter qu'il avoit appris de l'origine des Juifs, de leur Conducteur & Legislateur Moïse, & de leurs façons de faire contraires à celles de toutes les autres Nations de la terre. Ce peu d'exemples suffit pour montrer, que toutes sortes de Digressions ne sont pas vicieuses, & qu'il n'y a que les mauvaises, qui se font sans discretion, qu'on doive rejetter.

Il semble, que les Critiques, dont nous parlons, soient mieux fondés en ce qu'ils ne peuvent souffrir dans l'Histoire ce renversement des tems, & cette transposition d'affaires, qui se fait par une figure à laquelle nos Ecoles ont laissé le nom Grec d'Hysterologie, & de Hysteron Proteron, quand on dit les choses beaucoup avant, ou après qu'elles sont arrivées. Et véritablement il n'y a souvent rien de plus contraire que cela à l'ordre, qui est l'ame des Histoires; & pour peu qu'on se [299] donne trop de licence en cette partie, on ne peut éviter de tomber dans une obscure confusion. Il s'en voit de si embrouillées par là, & dont les parties différentes sont tellement hors de la suite du tems, qu'elles ressemblent à ces colosses brisés, de qui l'on cherche la tête ou les pieds parmi les autres membres. Si est-ce qu'il se trouve les lieux, où les meilleurs Historiens sont obligés de dire les choses en une seule fois, qui ne sont avenues qu'en des saisons différentes, afin de ne pas donner les matieres trop imparfaites, & pour contenter l'esprit de ceux, qui ne pourroient autrement les voir sans dégout séparées, & comme estropiées. C'est pourquoi Théon a observé [In progym.] que non seulement Hérodote, mais Thucydide même a fait souvent des Hysteron Proteron fort à propos, bien que celui-ci se fût donné la loi de diviser toujours la narration de chaque année en deux parties, l'une pour l'Eté, & l'autre pour l'Hiver, en quoi il a été repris par Denis d'Halicarnasse, comme d'une chose qui l'obligeoit à couper les sujets, qu'il traitoit en tant de portions, que l'esprit du Lecteur n'en demeuroit pas satisfait. Le jugement doit regler ce différend, & nous faire avouër, qu'il y a de ces transpositions nécessaires, & qui ne [300] peuvent être reprises dans l'Histoire sans injustice.

Mais ceux qui censurent indifféremment toutes les harangues Historiques, tant les obliques que les directes, ne sont-ils pas bien admirables de penser réduire le reste du monde à leur sens particulier, qui a ce désavantage d'être contraire à celui de tous les bons Auteurs. J'avouë qu'on voit quelque fois de ces Oraisons aussi importunes que ridicules, & que Plutarque [Livr des instruct. polit.] s'est moqué de fort bonne grace de celles que Théopompe, Ephorus, & Anaximene font prononcer à des Généraux d'armée, n'y aiant nulle apparence, qu'ils se fussent amusés à des discours si longs & si étudiés en présence de l'ennemi, & lorsqu'il étoit question de bien faire, plûtôt que de bien dire. Il ne faut pas pourtant conclure de là, que l'Histoire rejette toute sorte de harangues; je crois au contraire, qu'il n'y en a point qu'elle ne reçoive, quand elles sont non seulement bien faites, mais encore à propos; & nous voions en effet, que Lucien [Dial. de l'Hist.] , qui est si rigoureux sur ce sujet, n'en condanne aucune; avoüant que comme les obliques ont souvent meilleure grace, il y a des lieux aussi qui demandent la Prosopopée, ou l'Oration directe. Patrice & quelques autres modernes [301] qui la voudroient abolir comme lui, se servent principalement de l'autorité de Diodore, de Justin & de Denis d'Halicarnasse. Quant au premier, comme il déclame au commencement de son vintiéme livre contre l'impertinence de quelques Historiens au fait des harangues; aussi confesse-t-il, que celles qui sont écrites judicieusement, doivent être estimées, & il en a inseré beaucoup lui-même dans ses Ouvrages. Justin, ou pour mieux dire, Trogue Pompée, dont il n'est que l'Abbréviateur, rapportant obliquement celle de Mithridate contre les Romains, reproche de vérité, à Salluste & à Tite Live [Lib. 38.] d'avoir abusé des directes.Mais personne n'a pris cela que pour un trait d'envie contre ce dernier, comme il s'en glisse aisement entre des Ecrivains de même tems; ce qui n'a pas empeché, que Tacite, Q. Curce, & tous les Auteurs de l'Histoire Auguste, n'aient couché beaucoup de discours en forme de Prosopopée dans ce que nous avons d'eux. Et pour ce qui touche Denis d'Halicarnasse, ses livres des Antiquités Romaines en sont si remplis, & il soûtient dans son septiéme, les Oraisons directes si particuliérement, rapportant toutes celles, qui furent prononcées en la cause de Coriolanus, qu'on [302] se pourroit étonner qu'il eût si fort pêché en ce qu'il reprenoit aux autres, si l'on ne savoit bien, que son Histoire est le dernier de ses travaux, où il s'est ainsi voulu retracter avec jugement des maximes qu'il avoit autrefois établies trop legérement contre Thucydide. Outre qu'on peut voir dans le jugement qu'il fait de cet Historien, comme il examine plûtôt avec rigueur ses harangues, selon les sentimens d'un Cratippus, qu'il ne les condanne tout à fait, & de son propre mouvement: Plusieurs ont voulu alléguer aussi le huitiéme livre du même Thucydide, parce qu'il n'a pas une des Oraisons dont nous parlons, à cause qu'il se repentoit d'en avoir trop usé aux précedens. Il est certain pourtant, que sa mort y a laissé cette disproportion avec assez d'autres imperfections, qui ont fait soutenir à beaucoup de personnes, que ce dernier livre n'étoit pas de lui. Quoiqu'il en soit, Hérodote, Xenophon, Polybe, & César, avec ceux que nous avons déja cités, & quantité d'autres que nous pourrions ajoûter, s'il en étoit besoin, montrent bien, que c'est un pur caprice de vouloir rejetter ainsi les harangues de l'Histoire, puisqu'ils n'ont jamais fait difficulté de les admettre, & qu'au contraire ils en ont fait un de ses principaux ornemens. [303] Polybe seul nous enseigne, comment on doit emploïer les obliques, les directes, & les mixtes, qui commençant obliquement changent d'organe & finissent droitement: car il s'est servi de toutes les trois façons, selon que les lieux le requeroient.

Or non seulement les haragues ont été jugées telles, que nous disons, par les meilleurs Auteurs, mais ils ont même donné place dans leurs Histoires, aux Lettres Missives, & jusqu'aux Dialogues. Ainsi nous voions des Epitres de Mithridate dans Salluste, de Tibere & de Drufus dans Tacite, & d'Alexandre le Grand dans Arrien. Pour ce qui régarde des Dialogues, il y en a grand nombre & de fort beaux dans Thucydide & ailleurs; mais quant à celui des Deputés d'Athénes & de Mélos, qui fait la fin de son cinquiéme livre, où les premiers s'efforcent de prouver aux autres qu'ils doivent s'assujettir aux Athéniens, il est tel, que je ne pense pas qu'on le doive jamais imiter, à cause de sa trop grande prolixité. La loi qu'il faut observer, à mon avis, tant aux Dialogues, qu'aux Lettres, & aux harangues de quelque nature qu'elles soient, c'est de ne les coucher jamais avec Prosopopée, & directement, que lorsque toutes les paroles en sont si importantes, [304] qu'on n'en peut rien perdre qu'avec dommage; autrement, il faut se contenter d'en rapporter obliquement la substance.

Que dirons-nous de quelques uns, comme Kekerman entre autres, qui croient, que la loüange ni le blâme, ne doivent, jamais se rencontrer dans l'Histoire, parce que ce sont des choses superflues, & qu'il n'appartient, à leur avis, qu'aux Orateurs d'en user, non plus que d'émouvoir les passions, ce qu'ils deffendent encore très expressément à un Historien. Il semble, à les entendre parler de la sorte, que l'art Oratoire ne puisse jamais avoir rien de commun avec celui des Historiens, contre ce qu'a dit si expressément le premier Rhéteur des Romains, [ Opus Oratorium maxime. Cic. Lib. ! de leg.] qu'il ne savoit rien qui fut davantage du métier d'un Orateur, que de bien écrire une Histoire. En vérité, c'est bien se moquer de tous ces grands hommes que nous venons de nommer, qui ont toûjours pratiqué le contraire de ce que voudroient établir ceux-ci. Et je m'étonne, qu'ils ne se souviennent au moins du temperament que Lucien apporte en cela, désirant que son Historien se contente de donner des loüanges moderées, & qui consistent en peu de paroles, afin qu'il différe en ce point de l'Orateur qui les étend, & les [305] amplifie selon les regles de son art. La même chose se doit dire des passions, car il n'y auroit point d'apparence qu'un Historien pratiquât tout ce que font Ciceron & Demosthene, pour exciter à la haine ou à la misericorde; mais il lui est permis d'être pathétique comme Tite Live dans l'expression des grandes actions, afin d'imprimer fortement l'amour de la Vertu, ou l'aversion du vice, qui sont les plus précieux fruits, qu'on puisse recueillir de l'Histoire.

C'est encore une fantaisie particuliere de certaines personnes, qui ne pensent pas qu'un Historien moderne doive jamais prendre la liberté de comparer les choses de ce tems aux anciennes. J'avouë qu'on voit peu de ces paralleles dans les Historiens Latins, & qu'ils ne se sont guéres amusés à montrer la ressemblance qu'avoient les actions Romaines, qu'ils décrivoient, avec celles des Grecs. Je tombe même d'accord, que nous avons vû depuis peu des Ecrivains ridicules en cette sotte recherche, montrant, qu'ils faisoient leur principal de l'accessoire, & qu'ils n'avoient point de plus grand soin, que de témoigner par ce rapport curieux, qu'ils étoient hommes de grande étude, la chose du monde la plus importune, quand on l'emploie mal à propos. [306] Mais encore que cette vaine ostentation soit odieuse, il n'en faut pas pourtant tirer cette consequence, qu'on ne puisse jamais user d'aucune de ces comparaisons, qu'elle ne soit vicieuse. Elles se présentent quelquefois d'elles-mêmes, & un Historien judicieux les sçait emploier si à propos, qu'elles donnent de l'ornement à son Ouvrage sans dégouter personne. Que si les Latins s'en sont abstenus, il y a des Grecs, tels que Polybe & Denis d'Halicarnasse, d'assez grande autorité pour nous assurer, qu'on s'en peut servir sans crainte, à leur exemple. Appien aiant rapporté [Lib. de bell. Syr.] avec quel courage Scipion répondit à l'accusation qu'on lui faisoit d'avoir été corrompu par le Roi Antiochus, allant sacrifier au Capitole, au lieu d'attendre le jugement du Peuple Romain; dit qu'il fit en cela plus sagement qu'Aristide ou Socrate, qui se laissèrent condanner injustement dans Athénes; & plus généreusement qu'Epaminondas, dont il recite le procedé en une cause aussi capitale devant le Magistrat de Thebes. Famianus Strada a fait de ces ajustemens depuis peu de si bonne grace, & avec tant de succès, qu'on le peut proposer en suite, & renvoier à la Préface de son Histoire des Païs-Bas, ceux qui feroient les difficiles sur ce point. [307]

Il me reste à dire un mot touchant ma façon d'écrire. Pline le Jeune a soutenu dans une de ses Epitres, que l'Histoire étoit toûjours agréable [Lib. 5 ep. 8.], de quelque maniere qu'elle fût couchée. Il semble que son intention soit de donner à entendre par là, que toutes sortes de styles y peuvent être emploiés; & en effet, nous voions d'excellens Historiens en toutes Langues, qui ont eu des genres d'écrire très différens. Salluste & Tacite sont fort concis; Tite Live est plus étendu; Florus est si libre & si fleuri, qu'il se donne même la licence de citer des Hemistiches de Virgile [Lib. 3 hist.], comme Thucydide, beaucoup plus sévere que lui, a rapporté plusieurs vers d'Homere au sujet des jeux de l'Isle de Délos. Or quand j'aurois été curieux en cette partie, que je l'ai peut être negligée, n'aiant eu autre soin que de me rendre intelligible, & de chercher dans la clarté de l'expression la principale recommandation de mon style. Je crois, que je n'aurois pas pour cela contenté tout le monde. Les plus beaux visages ne plaisent pas à un chacun & les styles, qui ne sont pas moins différens, souffrent quelque fois des jugemens encore plus déraisonnables. Alciat a bien osé dire, que la diction de Tacite étoit tout à fait méprisable comparée à celle de Paul Jove. [308] Et Emilie Ferret n'a point rougi prononçant ce mot ridicule, que le même Tacite ne savoit pas bien le Latin. Je souffrirai patiemment après cela tout ce qu'on voudra dire de moi pour ce qui regarde mon François. Mais je serai bien-aise d'ajoûter ici une remarque à l'occasion de Tacite, & de Salluste, que beaucoup veulent, qu'on imite sur tous les autres à cause de leur briévité. C'est que la plûpart prennent pour des Historiens fort brefs, ceux qui ont l'élocution concise, qui font néanmoins deux choses fort différentes. Car Salluste qui a la phrase fort pressée, & qui comprend beaucoup en peu de mots, n'est pas pourtant un Historien fort bref, au contraire on pourroit retrancher assez de choses dans ses Préfaces, & dans ses Digressions, sans alterer le corps de son Histoire. Jules Capitolin reprend Iunius Codrus de s'être amusé à particulariser des affaires de peu d'importance; comme Guicciardin a été blâmé de s'être de même trop étendu aux choses de sa République, qui ne méritoient pas d'être expliquées si fort par le menu. Or, quoique le premier, des ouvres duquel il ne nous reste rien, eût eu la diction la plus courte, qu'on se puisse imaginer, & bien que Guicciardin eût encore parlé plus laconiquement que lui, si est-ce [309] que ni l'un ni l'autre n'eussent jamais été bien nommés Historiens brefs; & il n'y a que ceux comme Tacite, dont on ne peut rien ôter sans préjudicier à leurs compositions, qui doivent être appellés de la sorte.

Je laisse à la Posterité, pour qui j'ai mis la main à la plume, le jugement de mes veilles. De même que les Histoires ne doivent être écrites principalement, que pour elle, selon l'avis de Lucien, il n'y a qu'elle aussi, comme plus exemte de passions, qui les puisse mettre à leur juste prix. C'est pour cela, que les Anciens nommoient Saturne le Pere de l'Histoire, & qu'on voioit des Tritons avec des trompettes au haut de son Temple; le tems seul, qui conserve la mémoire de toutes choses, pouvant donner à un chacun la réputation qui lui appartient. Et certes, j'ai toûjours crû qu'il étoit des Histoires comme des Statues; où l'on observe mille délicatesses, quand elles doivent être vues de près, que l'art rejette, si elles sont faites pour être regardées de loin. Une narration aussi qui se fait plus pour le présent que pour l'avenir, a besoin de beaucoup de flatteries, comme d'autant de mignardises, qui ne seroient pas bonnes aux siécles suivans, où rien ne se lit plus volontiers qu'une vérité hardie, & s'il faut [310] ainsi dire, grossiere & sans déguisement. La plupart des personnes, qui se servent de miroirs, sont bien aises qu'ils les flattent, & il en a fort peu qui se plaisent à se voir dans l'Histoire, si elles n'y sont représentées avec avantage. Il est donc à propos de tenir couvertes pour quelque tems ces glaces, qui rendent les formes des choses telles qu'elles sont, attendant qu'une autre saison moins interessée, & moins sujette à toute sorte de passion, que les années seules peuvent moderer, souffre des jugemens plus équitables. Tout ce que je demanderai pour lors au public, c'est qu'on apporte à la lecture de cette Histoire un esprit autant indifférent, & aussi peu partial, que je pense l'avoir eu, quand je l'ai écrite.

Notes

(1) La Mothe is here making reference to his Discours de l'histoire au Cardinal Duc de Richelieu ou est examinée celle de Prudence de Sandoval, Chroniqueur du feu Roi d'Espagnes Philippe III et Evêque de Pampelune, qui a écrit la vie de l'Empereur Charles-Quint, 1638 (in Oeuvres, vol. IV, part I). Prudencio de Sandoval was the author of Historia de la vida y hechos des emperador Carlos V, Valladolid, 1604-1606.

Editorial note

The text for this edition is taken from Oeuvres de François de La Mothe Le Vayer, Conseiller d'État, Nouvelle édition revuë et augmentée, imprimée à Pforten et se trouve à Dresde chez Michel Groll, 1756, 7 voll. in 14 parts, vol. IV, partie II, pp. 281-310. The spelling, accents and punctuation are as in the original. Marginal notes have been inserted into the text, following the word to which they refer. Original page numbers are between brackets and in bold characters. Endnotes are editorial. This writing by La Mothe Le Vayer (Paris, 1588-1672), known also as Préface d'une histoire, was composed and published in 1646 as an appendix to the Jugement sur les anciens et principaux historiens Grecs et Latins dont il nous reste quelques ouvrages, Paris, 1646 (in the above mentioned edition, vol. IV, part II, pp. 1-280). Together with an earlier dissertation, the Discours de l'histoire (1638), and a later one, the Discours du peu de certitude qu'il y a dans l'histoire (1668), it offers a complete exposition of the author's skeptical ideas on the problem of historical knowledge. These works show La Mothe's historical pyrrhonism, his agnosticism in the face of the contradictory character of evidence, his distrust for a 'science of history', and his exclusive confidence in the erudite analysis of sources as the only remedy for the inevitable uncertainty of historical knowledge. In this Préface La Mothe tends to reject too heavy demands and too rigid stylistic requirements on historical knowledge and writing. As a human, literary production, history writing, he maintains, is subject to all those imperfections and imprecisions that result from our limited nature and faculties.

Abstract

La Mothe begins by criticizing the usual resort in prefaces to protestations of sincerity, that do not ordinarily guarantee the historian's real intentions and qualities and his observance of what he calls «the laws of history» (where 'history' is to be taken clearly in its meaning of 'historia rerum gestarum'). He shows afterwards his willingness to adhere nonetheless to the most significant of these laws: in a historical text those statements only must be admitted that are susceptible to testing against clear evidences, like public acts («registres») and private memoirs of statesmen. He wants to vindicate against Polybe the good right of a private man of letters to write history, that he does not consider as a literary genre exclusively reserved for its main actors. While it may be true that the latter have a special skill in and knowledge of domestic and foreign politics, that is to say, of arcana imperii, their public stance does normally incites them to partiality, in order to defend particular choices and decisions. Moreover, they are unlikely to have a sincere intention to communicate to the public all the secret information about, and hidden aspects of, public affairs. This does not mean that history cannot aspire to explain motives and causes of events. La Mothe evokes Cicero, Polybe, Tacit, Thucydides and other ancient authors against Francesco Patrizi, underlining one of the most important laws of history: history must explain the reasons for events and so contribute to the increase of knowledge. In order to relate particular facts, the historian has a duty to collect as much evidence as possible, even if it is not all equally reliable. As it is impossible to avoid bad information completely, and only sacred history is undoubtedly true, it is unfair to reject altogether a historical work because of some defects or mistakes that it might contain (p. 288-289). Falsehoods, partiality and changes of opinion are unavoidable parts of historical writing, as different examples drawn from the most famous ancient historical works show. This however does not entirely invalidate the merit and reputation of those same works. While it is true that historians can slip into mistakes without losing their credibility as historians, a clear distinction must be drawn between the reprehensible act of lying, and the much less serious fault of referring to a false fact or opinion, on condition that this is not a deliberate action against one's own learning and conscience (p. 292). History is a depository, a register and a memorial usually built on other people's evidence and therefore open to deception and delusion. Moreover, part of the historian's duty is also to refer to false beliefs and ideas, as they have contributed to shaping the people's opinion (p. 293).
It is vain, indeed, on the part of critics to assign laws of composition and style to historical writing. Their general censure of digressions, for instance, should distinguish those that are too long, tiring and alien to the central theme from those that break the narrative and let the reader breathe and rest his intellect. As the same Greek and Roman historians used digressions largely and successfully, there is no general rule suggesting one should avoid them systematically. More reasonable are those prescriptions concerning chronological coherence and narrative order (p. 299), even if in this case too it is advisable to avoid excessive severity. Inflexibility should be avoided also concerning (pp. 303-304) the inclusion into historical narrative of speeches, orations and addresses in any form, direct or indirect, whose utility as an embellishment of historical literature is undoubted and which could be properly be included, preferably in the indirect form. History writing is not so different from oratory as critics like Patrizi and Kekerman claim. Praise and blame, approbation and reprehension, historical parallels and comparisons between modern and ancient times, rhetorical devices intended to raise the readers' passions are not therefore inappropriate to the historian's task, as Cicero showed in his De Oratore and Famiano Strada in his Histoire des Pays-Bas, because to extoll virtue and reproach vice is one of the most important purposes of history. As to conciseness and brevity in style, it is again difficult to identify a general rule, even if it is good and obvious advice to avoid verbosity, without taking any particular author of antiquity as an absolute model. Moreover one should make as accurate a distinction as possible between the stylistic requirements of histories written for the present and histories destined for posterity: the latter alone can adopt a direct, earnest and open language.